Tribune⎪Patrimoine et artisanat, des métiers d’avenir à révéler

68 milliards de chiffre d’affaire pour le patrimoine et l’artisanat !
Avec ce chiffre témoignant de l’impact actuel du secteur, les métiers du patrimoine et de l’artisanat représentent bien plus qu’un héritage : ils sont une formidable ressource pour l’avenir. Véritables leviers économiques, ils incarnent aussi une autre vision du travail fondée sur la transmission, l’innovation et la durabilité.
Armelle Weisman, directrice du Campus Versailles, alerte sur le potentiel encore trop méconnu de ces filières, pourtant au cœur des grandes transitions écologiques, sociales et technologiques. Dans une tribune-manifeste, elle y dévoile la stratégie du Campus Versailles pour redonner visibilité, attractivité et ambition à ces métiers d’avenir.
La Tribune
On savait que le patrimoine et l’artisanat étaient les fers de lance du rayonnement culturel et touristique de la France. On avait oublié qu’ils constituaient aussi un pôle économique puissant, avec plus de 68Mds d’€ de CA annuel, soit plus que l’industrie automobile ou pharmaceutique. Ces métiers, communs à des secteurs économiques variés, allant de la construction à l’ameublement en passant par la décoration, la mécanique, la mode ou encore la gastronomie et les arts de la table, sont plus que jamais vivants, créateurs d’emplois, d’innovations et de dynamisme sur les territoires.
Plus encore que leur création de valeur économique et sociétale, c’est aujourd’hui leur extraordinaire capacité à diffuser un imaginaire positif du monde du travail qui les met au centre du jeu.
Métiers d’exception, en constante évolution, ils allient la connaissance des savoir-faire ancestraux, la maîtrise des techniques de pointe les plus contemporaines et la prise en compte patiente des écosystèmes locaux. Ils proposent des chemins d’engagement, attentifs au travail bien fait, minutieux, appliqué, à la précision des gestes, autant qu’à l’intelligence des usages, la connaissance des matériaux et le souci d’un approvisionnement sobre et adapté. Qu’il s’agisse de patrimoine bâti, matériel, immatériel ou vivant, ils proposent des trajectoires professionnelles largement ouvertes à tous, diversifiées et peu délocalisables. À l’heure où nous faisons face à des transitions socio-économiques majeures (numérique, environnemental, inclusion), ces métiers et ces savoir-faire issus du passé sont aussi des ressources et des outils précieux pour construire un futur durable.
Pourtant, d’un côté, les entreprises déplorent le manque de candidats. De l’autre, les jeunes ne connaissent pas ce secteur et ses opportunités. La faute aux médias qui les annoncent morts depuis plus d’un siècle, aux images d’Epinal qui véhiculent des ateliers sombres et poussiéreux, à Parcours Sup qui ne rend pas accessibles des formations dont le niveau académique est estimé en-dessous du bac, à l’absence même de formations adaptées à la complexité des défis, à cette idée chevillée au corps que d’un côté notre jeunesse n’aspirerait qu’à devenir milliardaire en en faisant le moins possible et que les entreprises de l’artisanat ne souhaiteraient pas embaucher des candidats trop formés pour ne pas avoir à trop les payer.
Comment alors, redonner envie aux plus jeunes de venir vers ces métiers ? Comment les sensibiliser aux multiples opportunités et trajectoires possibles de ces orientations ? Comment faire de ces formations puis de ces métiers des horizons attractifs, susceptibles de répondre aux attentes des jeunes et des moins jeunes ? Comment aider les entreprises à mieux prendre en compte les nouveaux arrivants sur le marché du travail ? Comment rassurer les familles dont les enfants choisissent des voies moins empruntées ? Comment donner à voir l’excellence et la complémentarité de ces formations ? Comment montrer la grande actualité des métiers du patrimoine et de l’artisanat d’excellence dans leurs capacités à répondre aux enjeux des grandes transitions à l’œuvre aujourd’hui ?
C’est à ce défi multiforme que souhaite répondre le Campus Versailles, en développant un tiers-lieu de formation et de production unique, qui atteindra plus de 4000m2 à la rentrée 2026, dans les écuries du Château de Versailles.
Un espace de partage d’abord – un « Commun » -, pour permettre à tous les contributeurs concernés (lieux de formation, enseignants, entreprises, organismes culturels, donneurs d’ordre, associations…) d’allier forces, ressources, énergies, outils et ateliers au sein d’une véritable communauté de valeurs pour promouvoir le rôle et les perspectives des métiers du patrimoine et de l’artisanat comme locomotives du développement économique des territoires, du rayonnement culturel et de la transition écologique.
Un espace de formation ensuite, exigeant et ambitieux, avec des formations initiales et continues innovantes et uniques célébrant l’intelligence artisanale, dans son lien entre hier et demain, entre théorie et pratique, pour perpétuer la transmission des savoir-faire des métiers, stimuler l’innovation, la prospective, la collaboration, l’entrepreneuriat.
Un espace de rayonnement enfin, pour montrer les métiers, les artisans, les techniques, les savoirs, les formations et inspirer bien au-delà des frontières des secteurs économiques et des frontières de la région Ile de France et proposer des modèles pédagogiques nouveaux, par la matière, par le faire et par l’innovation du quotidien.
Armelle Weisman
Octobre 2025